Terre de blog
humeur

2012 : Changer le pansement ou penser le changement ?

Temps de lecture : 5 minutes

Quand on confond un mythe pour la réalité…
Quand on confond un mythe pour la réalité…
Quand on confond un mythe pour la réalité…

Commençons par une fable

« Il était une fois une île merveilleuse, Plutopia. Les habitants de cette île étaient des hommes en tout points semblables à ceux que nous connaissons, à cela près qu’ils n’éprouvaient jamais aucune émotion et que toute passion leur était inconnue. Eux raisonnaient de façon purement rationnelle, ce qui leur permettait de travailler constamment à leur bonheur mais comme le mot de bonheur leur semblait tout aussi absurde, ils préféraient dire plus simplement qu’ils maximisaient leur utilité. Au centre de cette île : le grand marché. Ce grand marché jouait à peu près le rôle de l’Agora dans la cité grecque, sauf que l’on y parlait pas de métaphysique, ni du bien et du mal, vocabulaire proscrit dans le monde parfait des agents rationnels ! Non le grand marché servait uniquement à fixer le prix des choses. La règle était simple : il suffisait de trouver un montant qui mette d’accord les vendeurs et les acheteurs, le grand marché permettait ainsi la concorde et l’équilibre. Comme tout s’y déroulait très paisiblement et que les agents rationnels étaient à l’évidence d’honnêtes gens, aucune loi n’était nécessaire pour encadrer le marché et aucune police ne le surveillait, la transparence la plus totale y régnait, tout était rapide, fluide, clair, imparable, sans compter que les bienfaits de ce grand marché pour les habitants de l’île étaient immenses, n’importe quel projet pouvait être financé. L’état de Plutopia levait ainsi aisément des fonds pour ses guerres mais aussi pour les dépenses d’éducation, de santé et d’infrastructure.  » Bref vous aurez reconnu la description du marché efficient et de la concurrence pure et parfaite qu’ont élaboré les économistes néo-classiques. » Je cite ici la chronique de Thomas Cluzel du 17 janvier dans les Matins de France Culture., citant lui même l’article d’Alexandre Lacroix dans le nouveau numéro de Philosophie magazine de février 2012.

Quand on confond un mythe pour la réalité, il est grand temps de changer de paires de lunettes ! Car bien loin de la pure rationalité et c’est peut-être une bonne nouvelle, les agents du marché sont avant tout… des humains.

Repenser… tout


À l’heure où le Wall Street journal déclare que Wall Street ne connait que 2 sentiments, l’euphorie ou la panique » et ce qui, dixit Patrick Viveret, philosophe, correspond à un état de maniaco-dépression, nous pouvons constater combien la théorie économique (avec sa sacro-sainte maximisation de l’utilité, cf fable ci-dessus) est éloignée de la réalité. Nul agent économique rationnel, simplement des hommes, collectivement dans un état répertorié par la psychologie clinique comme pathologique… tout va bien! Changer le pansement plutôt que de penser le changement, nous pouvons constater dans un tel contexte, quel est le résultat de cette stratégie court-termiste… Les rustines ne font plus recettes mais plutôt déficits.

Alors en 2012, repenser l’économie et refonder une théorie économique qui fasse autorité et ne reste pas dans les coulisses de l’enseignement, voilà qui paraît une priorité! Demain un triple A pour évaluer un développement humain soutenable, le climat social (facteur de risque) et les indicateurs de richesses et de bien-être? On peut rêver, c’est encore gratuit. Rêver d’un monde différent et pour cela repenser à peu près tout est précisément ce à quoi nous convie le numéro spécial du magazine Sciences Humaines de janvier… Quelques aperçus ? Allons-y. Le monde que Sciences Humaines nous présente sera…

Post-économique :


Exit le PIB, un index qui augmente avec le nombre d’antidépresseurs vendus sur un territoire n’est sûrement pas un indice de prospérité sociétale! Le projecteur se déporte, zoomant sur l’humain comme finalité et sur la nature comme matrice à préserver. L’économique au service de l’homme, le bien-être comme mesure de richesse et la recherche de principes permettant à un système de se reproduire et d’évoluer et non de s’autodétruire… comme guide de conduite en état de sobriété.

Postgénomique ;


La révolution postgénétique nous amène à reconsidérer totalement notre vision d’un être humain indépendant et autonome. Comme nous le décrit le professeur Bernard Golse, c’est dans la rencontre avec l’environnement que le cerveau se développe, avec la présence de l’autre. La plasticité de notre cerveau à la naissance, le fait qu’à la différence de nombreuses espèces, notre cerveau ne soit pas fini, est probablement la chance évolutive extraordinaire de l’espèce humaine. Nous pensions la vie programmée au cœur d’un séquençage génétique…probablement conditionnés par l’ère informatique du codage et du binaire! La révolution épigénétique nous apprend en effet que les organismes ne sont pas construits à partir d’un seul programme mais aussi à partir de mécanismes extérieurs qui commandent l’activation des gènes, le rôle de l’environnement est primordial « L’environnement agit en activant les gènes comme on compose des airs différents en appuyant sur telle ou telle note d’un même clavier ». Cette ère postgénomique s’accompagne d’une nouvelle vision de la construction du vivant : celle de la solidarité. Nous passons d’une vision darwinienne du « struggle for life » ou encore « que le meilleur gagne » à une vision beaucoup plus coopérative du vivant, ou chaque partie est liée à un tout plus grand, et où l’idée même d’individu tend à disparaître.

Adieu Robinson Crusoé


Bienvenue dans l’ère de l’interdépendance, dans l’ère de la coopération et des réseaux sociaux, l’ère de l’homme animal social, animal dont la fragilité et la plasticité de naissance font la force, c’est à dire rien moins que sa capacité d’apprentissage et une incroyable capacité à développer son potentiel.

Alors ce que je souhaite pour 2012 ? Une vision de l’homme plus humaine et plus humble. Car si l’autre devient celui qui a potentiellement besoin de mon aide, si chacun accepte son incomplétude voire son incompétence sans en faire une affaire d’état ou un complexe alors le travail d’équipe, la coopération, la confiance, la solidarité et par là les œuvres communes seront grandement facilités.

Crédit photo 
Alec Favale — Unsplash