A l'heure où la crise écologique est considérée par le philosophe Baptiste Morizot comme une crise de la sensibilité, peut-être le temps est-il venu de réhabiliter la sensibilité (voire l'hypersensibilité !) et d'en faire une valeur cardinale.
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Par ce livre où l’auteur partage sa propre hypersensibilité, Fabrice Midal contribue à valoriser cette qualité humaine si nécessaire à une relation renouvelée au vivant.
« Suis-je hypersensible ? », telle est la question posée par le philosophe Fabrice Midal, auteur du désormais célèbre Foutez-vous la paix ! (un de mes coups de cœur de 2017) dans son dernier essai paru en janvier 2021.
Certes, que de « trop » dans cet ouvrage ! Trop de recettes et d’injonctions de fin de chapitre (je suppose que c’est une demande de l’éditeur, puisqu’il faut désormais prendre le lecteur par la main), trop de tutoiement du lecteur que je trouve personnellement déplacé, trop de promotion d’un « pouvoir méconnu ». Mais peut-on reprocher à Fabrice Midal, ce digne représentant du « trop », l’excès dont font précisément l’objet les hypersensibles ? Si ce livre figure sur mon blog, c’est que j’ai tranché par la négative !
Parce que ce livre m’a parlé et qu’il peut être utile à tous les hypersensibles qui s’ignorent, je vous en livre ici quelques éléments.
« Trop d’émotions, trop de pensées, trop de sensations, trop d’empathie, trop d’intensité dans sa vie, parfois à la limite du supportable […] l’hypersensible est bousculé par le trop » écrit Fabrice Midal.
L’hypersensibilité, selon l’auteur qui a mené son enquête auprès de spécialistes de différentes disciplines, est donc caractérisée par un rapport au monde reposant sur l’excès. Un excès pouvant se manifester pour le meilleur comme pour le pire. Ainsi Fabrice Midal évoque ce beau sentiment qu’est l’enthousiasme. Virant à l’excès, il peut devenir nuisible, menant parfois à la limite de l’épuisement ! Ainsi l’auteur incite t-il les hypersensibles à se protéger de leur enthousiasme débordant. Lisant cela, je songe à une ancienne cliente que l’enthousiasme conduisait régulièrement dans des situations d’impasse et à une difficulté chronique, par excès d’empathie et d’entrain, à savoir dire non.
Si se coller une étiquette peut-être limitant (les qualificatifs étant potentiellement réducteurs ou enfermants), force est de constater que nommer les choses peut également être libérateur. Libérateur du poids de la culpabilité de ne pas être dans la norme, de surréagir à mille et un détails auxquels la plupart des gens ne prêtent que peu d’attention, d’être susceptible et à fleur de peau, et de sentir en décalage. Se reconnaître comme hypersensible, c’est se reconnaître une singularité, qui bien que difficile à assumer constitue une pépite à faire fructifier. Un hypersensible aussi qualifié d’hyperlucide, d’hyperprésent ou d’hypervivant par une psychologue spécialiste du burnout interviewée par Fabrice Midal.
Voici cinq questions posées par Fabrice Midal :
1/ Vous sentez-vous « facilement blessé(e) par les critiques, les reproches, les conflits et, du coup, essayez-vous de les éviter ?
2/ Êtes-vous affecté(e) par l’état émotionnel de vos proches, de vos collègues au point d’avoir l’impression d’être une éponge, ou encore de vivre sans filtre ?
3/ Y a-t-il des odeurs, des lumières, des sons, des sensations qui vous dérangent particulièrement alors qu’objectivement ils ne sont pas dérangeants ?
4/ Mettez-vous du cœur dans la plupart des tâches que vous effectuez ?
5/ Sentez-vous parfois votre esprit aller dans tous les sens, les idées, les pensées se bousculer en vous, au point de vous épuiser ?
Si la réponse est oui, je vous encourage à lire la suite de cet article, et si la réponse est non… également ! Car quelque soit notre « profil de personnalité », nous pouvons tous être traversés par des hyper-réactions ou des émotions fortes, révélatrices de choses importantes qu’il serait bon de ne pas laisser trop longtemps de côté.
L’un des plus grands dangers pour l’hypersensible ne réside pas dans son hypersensibilité mais dans le fait de la rejeter écrit Fabrice Midal. La solution, qui dépend nécessairement du contexte, ne consiste ni à les refouler ni à les exprimer telles qu’elles, sans filtre. Il s’agit avant tout d’écouter ce qu’elles ont à nous dire et ensuite de décider ce que nous en faisons. Concrètement, l’auteur esquisse quelques pistes pour composer avec les émotions fortes qui peuvent parfois submerger les hypersensibles, comme le recours à un tiers (collègue, ami, professionnel) ou à une technique de prise de distance. Fabrice Midal évoque par exemple la possibilité d’adopter la position du spectateur impartial qui observe son émotion ou bien celle de l’examinateur attentif décrivant l’émotion, sa forme, sa couleur.
Faire quelque chose de ce qui nous arrive, le penser, le transformer est au cœur de cet ouvrage et de ma propre philosophie d’accompagnement. Les émotions sont souvent des indicateurs précieux, une véritable boussole pour nous orienter !
Ce qui menace l’hypersensible selon l’auteur, s’il réprime son émotion ou à l’inverse se défoule en l’exprimant verbalement de manière trop vive à l’égard d’autrui, c’est un phénomène bien connu des hypersensibles : la rumination. Rumination de n’avoir pas fait ou dit, rumination au contraire liée au fait d’avoir réagi avec excès, rumination peut-être d’être passé à côté de sa vie sensible. Par conséquent « passer à l’action est le seul moyen de cesser tourner en rond » ! affirme Fabrice Midal. J’ajouterais pour nuancer : passer à l’action oui, mais une action alignée avec nos valeurs, riche de sens, nécessitant de s’autoriser à se poser pour mieux décider, pour mieux choisir ce que nous voulons et non subir potentiellement la dictature d’une émotion qui nous envahit. C’est un apprentissage. Celui consistant à apprendre à cohabiter avec soi-même. Le programme de toute une vie, qui peut commencer par une lecture 😉
Vous vous sentez différent des autres. Vous êtes bousculé par trop d'émotions, trop de pensées, trop de sensations. Vous vous en voulez de ne pas être calme, raisonnable, zen. En réalité, vous avez un don. Apprenez à l'exploiter. Je suis hypersensible et, pour comprendre ce qui m'arrive, j'ai mené une enquête. J'ai rencontré des spécialistes de différentes disciplines, des scientifiques, des neurologues, des physiciens, des anthropologues, des psychologues, des philosophes et des historiens. Je vous livre ici les éléments de mon voyage au coeur d'un pouvoir méconnu et les moyens à mettre en oeuvre pour le déployer..