La coopération : une réponse face à la souffrance au travail
Temps de lecture : 4 minutes
Temps de lecture : 4 minutes
Le travail, selon une enquête récente, est la deuxième condition du bonheur pour les Français, après la santé, loin devant la famille, et ce malgré le niveau de stress et de souffrance élevé déclaré par les Français lors des nombreuses enquêtes sur la santé au travail. La valeur travail n’a donc pas perdu du terrain contrairement à ce que certains auraient aimé laisser penser.…
Après le taylorisme, le fordisme, l’organisation scientifique du travail et son approche disciplinaire du travail, beaucoup se sont enthousiasmés pour un management a priori plus humain, mettant en avant l’autonomie de la personne, l’évaluation au mérite, la valorisation de la responsabilité individuelle, le gagnant/gagnant… Or, si l’intention de départ ne semble pas critiquable en soi, les pratiques managériales et surtout leurs conséquences, deux à trois décennies plus tard, le sont manifestement. En cause notamment, d’après Vincent de Gauléjac (Cf Manifeste pour sortir du mal-être au travail), la culture de Haute Performance introduite dans les organisations par les grands cabinets de conseil du type Mc Kinsey.
Cette culture de l’excellence et du dépassement de soi que Vincent de Gauléjac dénonçait déjà dans son ouvrage rédigé avec Nicole Aubert, et paru en 1991, Le coût de l’excellence, a un impact mortifère sur la santé mentale : dépression, burn-out, épuisement, perte d’estime de soi, culpabilité de n’en faire jamais assez, disparition des espaces de respiration et de convivialité, nécessité pour les salariés de faire plus avec moins, surcharge de travail, colonisation de la sphère privée par la sphère professionnelle, souffrance éthique, rupture des solidarités liée à l’individualisation des rémunérations (selon Christophe Dejours)…et j’en passe. Et le phénomène n’est plus aujourd’hui le propre du secteur privé, la mise en place de la RGPP (Réforme Générale des Politiques Publiques) ayant introduit une approche gestionnaire au cœur de la fonction publique.
Ajouter à cela le culte de l’urgence et la messe est dite : chercher le sens au quotidien, autant chercher une aiguille dans une meule de foin!
Ces systèmes de management en vigueur depuis 20 à 30 ans sont d’ailleurs eux-mêmes causes et conséquences, entre autre- de 2 grands virages majeurs :
Voilà donc qui nous (coachs) intéresse de près… Et c’est un chercheur en sciences humaine et sociale qui le dit. La coopération est ce à quoi nous pouvons nous atteler concrètement pour remédier à ce mal-être au travail. « Le moment me semble venu de convaincre aussi dirigeants et syndicalistes de l’importance de la coopération » déclare Christophe Dejours dans son dernier ouvrage « La panne ».
La coopération, selon ce dernier, est « la manière dont collectivement, les travailleurs réaménagent, réajustent la coordination (c’est à dire l’articulation des tâches telles qu’elle leur est prescrite) de manière à ce qu’elle soit efficiente ». Le fameux écart entre travail réel et travail prescrit n’est pas nouveau, et c’est bien dans l’interstice entre les deux que se loge la coopération, l’intelligence et le zèle. Se limiter à faire à ce qui est demandé à la lettre est de toute manière l’échec assuré, même l’armée le sait ! Qui dit coopération défaillante dit donc perte d’efficacité.
Or sur quoi repose la coopération ? Sur la volonté des différents acteurs de travailler les uns avec les autres et de surmonter les contradictions de l’organisation prescrite. Elle requiert, nous le savons, une confiance entre les membres d’un collectif. Cette confiance s’appuie notamment sur des règles co-construites, connues, partagées et respectées par tous, sur l’existence d’espace formel de délibération mais aussi sur l’existence d’espaces informels favorisant la convivialité.
Bref il faut accepter de perdre du temps (en apparence, car délibérer prend du temps) pour en gagner. Voilà donc l’un des défis de notre temps, et à court-terme, de quoi méditer pour nos vacances !