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L’engagement au travail… tout un art

Que penseriez-vous du capitaine d'un navire qui prend l'eau, se persuadant que tout va bien façon méthode Coué ?

Temps de lecture : 5 minutes

L’engagement au travail… tout un art

Tenir compte de l’état de l’embarcation pour prendre des décisions paraît une évidence en pleine mer mais ce qui est évident dans certain contexte, ne l’est pas dans d’autres ! Bien souvent, nous n’avons pas appris à nous écouter. Pire, s’écouter est associé à un acte égoïste, centré sur soi aux détriments des autres. Pourtant notre embarcation, pour jouer pleinement son rôle, a besoin d’être bien gouvernée et pour cela que l’on tienne compte de son état.

La notion de gouvernement de soi se situe au cœur des enseignements que le philosophe Michel Foucault a délivrés à la fin de sa vie au Collège de France. Selon lui, notre culture occidentale n’a retenu qu’une partie de la traduction de l’inscription figurant sur le fronton du temple de Delphes : le désormais célèbre « connais-toi toi-même », incitant chacun à accepter ses limites et sa condition humaine. La postérité a curieusement occultée l’autre versant, probablement le plus important selon Foucault : « Soucie-toi de toi-même ». Le souci de soi invite à l’action alignée. Il exhorte à se préoccuper de savoir ce qui est important pour soi, à identifier ce que nous tenons pour vrai (valeurs, principes) et à agir en accord avec soi.

Si nous ne nous soucions pas de nous, les circonstances s’en chargeront et feront de nous leur jouet. Pilotés par les vents et contraintes extérieurs, n’écoutant plus nos exigences internes (besoins, valeurs), nous risquons de perdre notre cap et tout ce qui s’y rattache (enthousiasme, énergie etc.). Des moments de retour à soi sont indispensables. Sénèque invitait inlassablement son disciple, le gouverneur Lucilius, à « revenir en lui-même » et l’empereur Marc Aurèle s’exerçait au retour vers soi dans ses écrits pour lui-même. Faire le point sur notre baromètre intérieure permet de réajuster la barre de gouvernail et repartir avec une meilleure visibilité.

Se désengager pour mieux s’engager


De nombreux ouvrages traitent du problème des salariés désengagés, voire activement désengagés. Ce problème existe bien sûr mais personnellement, je rencontre assez peu de personnes désengagées. Les personnes que j’accompagne en coaching font preuve d’un niveau d’engagement très élevé et davantage se soucier d’elles-mêmes pour préserver leur investissement sur la durée constitue fréquemment un facteur important de réussite de leur démarche.

L’un des paradoxes de l’engagement au travail est qu’il requiert précisément son contraire : le désengagement. Cette vérité est difficile à accepter lorsque nous sommes plongé(e)s dans l’action, habité(e)s par un sentiment d’urgence. Bien sûr tout ne dépend pas de nous et le sentiment d’urgence est largement favorisé par le contexte. Pour autant, pour être pleinement efficace et accomplir notre mission, pour rester focalisé(e), concentré(e) et impliqué(e) dans ce que nous faisons, nous avons besoin régulièrement de nous extraire, nous ressourcer, récupérer et pour cela de dire non – au moins temporairement ! – aux sollicitations multiples.

Comme l’expliquent Jim Loehr et Tony Schwartz, coachs de dirigeants américains, dans leur célèbre ouvrage « The power of full engagement », pour préserver la qualité de notre engagement, la ressource la plus critique à notre disposition est notre énergie bien plus que notre temps. Ce renversement de perspective peut nous aider à faire des choix à la lumière de ce critère clé qu’est notre niveau de vitalité.

S’autoriser une pause


L’engagement est comme un [ligth]pharmakon[/ligth] (terme grec qui signifie à la fois remède et poison), il suppose un art du dosage, propre à chacun. Stephen Covey, dans son ouvrage sur les « 7 habitudes des gens qui réalisent tout ce qu’ils entreprennent » évoque le ratio production(P)/capacité de production(CP) et l’illustre par l’image de la poule(CP) aux œufs d’or(P). Ne se préoccuper que des résultats (la production ou les œufs d’or) et vouloir produire beaucoup sans prendre soin de l’outil de production (nous-même, alias « la poule ») mène à moyen ou long terme à une impasse. « Celui qui travaille beaucoup, cherchant à ramasser plus d’œufs d’or que nécessaire, se trouve finalement cloué au lit, éreinté, incapable de produire quoi que ce soit« .

Moralité. Quelles que soient les dernières trouvailles de notre intellect pour nous inciter à faire toujours plus, nous gagnerons à faire preuve de pragmatisme et d’acceptation de la réalité telle qu’elle est (besoin de faire un break) et non telle qu’elle que nous aimerions qu’elle soit (déclinaisons de la méthode Coué : « ça va le faire », »y a qu’à »).

Alterner période d’engagement et de désengagement nécessite de mettre en place un plan d’actions qui bien évidemment prendra des formes différentes pour chacun. Mon intention ici est de vous inciter à introduire un changement minime qui pourra ensuite faire la différence : une pause.

Jim Loehr et Tony Schwartz conseillent de faire des pauses toutes les deux heures, y compris en plein milieu d’un comité de direction. Ils racontent les résistances de leurs clients et les transformations bluffantes après que ces derniers aient pris le risque de changer leurs habitudes. Pendant la pause, vous pouvez tout faire … sauf travailler! Il ne s’agit pas de passer un coup de fil à un client mais bien d’être en mode « off », seul(e) ou avec les membres de votre équipe ou d’aller prendre l’air, pourquoi pas de faire un peu d’exercice si l’environnement vous le permet. N’en déplaise aux adeptes du post ou trans-humanisme qui rêvent de nous débarrasser de nos faiblesses trop humaines, nous ne sommes pas des machines, nous avons des limites et des cycles de concentration qui oscillent entre 1h30 et 2h00.

Alors à quand la prochaine pause ?