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Le secret des équipes performantes

"Aucune autre passion que la peur n'ôte aussi sûrement à l'esprit ses capacités d'action et de raisonnement".
Edmond Burke

Temps de lecture : 7 minutes

Le secret des équipes performantes

La sécurité psychologique


D’après une vaste étude sur la performance des équipes, initiée par Google et portant sur 180 équipes (le projet Aristote), l’apha et l’oméga de l’efficacité réside non dans la complémentarité de l’équipe mais dans la qualité des interactions entre les membres de l’équipe. Et plus précisément dans la sécurité psychologique au sein de l’équipe. Ainsi, Julia Rozovsky, chercheuse et analyste dans le Département RH de Google déclara t-elle, à l’issue du projet Aristote, que la sécurité psychologique était de loin la plus importante des cinq dynamiques essentielles qu’ils avaient identifiées et qu’elle était le soutènement des quatre autres. Les 4 autres critères étant le fait de pouvoir compter sur ses co-équipiers (la co-dépendance), la clarté des objectifs et des rôles, le sens de la mission et la conviction d’avoir de l’impact.

Le concept de sécurité psychologique a été forgé au milieu des années 90 par Amy Edmondson, professeur de management à la Harvard Business School. Voici comment elle définit la sécurité psychologique : « La conviction que personne ne sera puni ou humilié pour avoir exprimé ses idées, ses questions, ses préoccupations ou ses erreurs ». Le jugement, qu’il soit dirigé envers soi-même ou envers autrui, voilà ce qui fait souvent barrage à la libre expression. Favoriser un climat sécurisant requiert donc de la part des managers et des membres d’une équipe un savoir-faire qui se cultive car il est loin d’être inné : la capacité à suspendre les jugements et accueillir des points de vue différents. Dans cette perspective, trois qualités s’avèrent absolument essentielles : l’ouverture, l’humilité et la curiosité. Des qualités qui, combinés au calme et à la capacité à se recentrer, constituent les compétences clés du futur. Démonstration ci-dessous.

Pourquoi ?


Notre contexte est désormais caractérisé par un haut niveau d’incertitude et de complexité nécessitant une adaptation permanente et une capacité à rebondir, elle-même source de résilience. Pour cela, les organisations ont besoin de pouvoir compter sur les talents et sur l’engagement de tous afin de trouver des solutions adaptées aux besoins et nouvelles problématiques qui émergent. Jusque là rien de nouveau me direz-vous. Certes. A ceci près que le manque d’engagement est devenu une préoccupation forte des organisations. Or l’engagement est directement relié au fait de sentir que son avis sera écouté et comptera dans la prise de décision. Un climat de travail ouvert et favorisant la libre expression est donc une condition sine qua none à l’engagement et à la performance d’une équipe.


Le savoir et l'innovation sont désormais des sources vitales d'avantage concurrentiels dans presque tous les secteurs : le dire n'a rien de nouveau. Pourtant, rares sont les dirigeants qui prennent le temps de réfléchir aux implications de cette nouvelle réalité - en particulier quant au cadre de travail qui favorisera la prospérité des salariés et la réussite des organisations.

A l’inverse, d’après les recherches d’Amy Edmondson, la peur et le stress relationnel inhibent l’engagement, la créativité et la coopération et peuvent conduire à des décisions absurdes et de graves échecs. Je ne peux que vous recommander à ce sujet les travaux de Christian Morel sur les décisions absurdes, où il inventorie et analyse les causes de toutes une série d’échecs (comme l’explosion de la navette challenger) qui auraient pu être évitées. La soumission à l’autorité et l’autocensure se dégagent très nettement de ses travaux comme des freins puissants à la prise de décision éclairée.

Que chacun puisse s’exprimer librement, de manière authentique et en toute franchise, sans crainte d’être jugé, voilà donc l’un des secrets d’une équipe performante aux multiples répercussions. L’une des découvertes contre-intuitive de cette chercheuse est la suivante. Les équipes les plus performantes sont aussi celles qui font remonter le plus d’erreurs, les rendant donc visibles et susceptibles d’être prévenues ou corrigées. Accepter que ses collaborateurs partagent sur leurs échecs ou erreurs, sans les blâmer mais au contraire en valorisant ce partage, est une autre compétence à développer en tant que leader et membre d’une équipe. C’est en outre un élément clé en matière d’apprentissage et d’innovation.


D’autre part, de plus en plus, les équipes se configurent et se reconfigurent en mode projet, avec de nouveaux membres, souvent dispersés géographiquement. Les membres ne se connaissent pas forcément et doivent pourtant pouvoir rapidement se faire confiance pour coopérer au mieux. Créer les conditions de travail ouvertes, authentiques et humbles favorisera également un niveau d’engagement fort au sein d’une équipe qui se connait peu.

Comment ?


En tant que dirigeant, manager, leader de projet, voici quelques règles d’or :

  • Tout d’abord, savoir se montrer humble en osant dire « je ne sais pas ». Ce n’est pas une marque de manque de confiance en soi. Bien au contraire. Se donner le droit de ne pas tout savoir est un signe d’assertivité qui autorise les personnes autour de soi à faire de même et à poser des questions
  • Ensuite ne pas hésiter à mettre en avant l’incertitude et la prise de prise de risque liées à un nouveau projet, que nous ne savez pas précisément où cela va mener et pour cette raison, avez besoin de l’engagement et des idées de tous
  • Ensuite reconnaître que vous êtes faillible. Oui vous avez bien lu ! C’est à dire oser dire que vous pouvez omettre des choses et que vous avez besoin, le cas échéant, de l’entendre de votre équipe
  • Enfin poser des questions ouvertes, creuser les pistes qui vous sont suggérées. Poser des questions de clarification si vous ne comprenez pas. Vous modélisez ainsi la curiosité.


En équipe, pour favoriser le climat d’ouverture et de confiance, il est important de cultiver une qualité d’écoute mutuelle consistant à laisser chacun déployer pleinement sa pensée sans l’interrompre, de laisser des temps de silence permettant à chacun d’avoir des insights, de nouvelles idées qui émergent. Une gageure dans la frénésie ambiante où la tendance serait plutôt à écourter les réunions ou à les supprimer par manque de temps ! C’est un véritable apprentissage que de développer de nouveaux réflexes d’écoute en équipe, raison pour laquelle j’ai décidé de proposer une nouvelle prestation en équipe, correspondant à ce besoin émergent de gagner en clarté et qualité de présence à soi et aux autres.


Des cercles pour ralentir, se recentrer et agir


Comme le déclarait Otto Scharmer, enseignant chercheur au MIT, lors du Forum Change Now de mai 2023,  » « Stillness is the language of the future (le calme est le langage du futur)« . Ce qu’il veut dire par là, c’est que dans un environnement hautement chaotique, l’intelligence émotionnelle, à savoir la capacité à être conscient de ses émotions et celles des autres et à retrouver son calme (ouvert et stable) sans être pollué par ses émotions, est une compétence clé pour sortir de la confusion et prendre des décisions avec l’esprit clair. Or les multiples sollicitations qui nous assaillent chaque jour sont autant d’occasion de pollution, de sources de stress et de perte de temps et d’énergie.


Un cercle de ralentissement offre à une équipe un cadre de travail ressourçant et stimulant la créativité. Grâce à quelques règles très simples, les participants peuvent prendre le temps de se poser, de partager leurs préoccupations, de trouver de l’inspiration et des idées nouvelles. Sans surprise, la suspension du jugement et l’ouverture « tête coeur corps » sont au coeur du processus.


Si vous sentez le besoin de ralentir, de sortir de l’état d’urgence pour avoir les idées plus claires, en tant que dirigeant.e ou en équipe, parlons-en. Et d’ici là, très bel été à tous et toutes !

Crédit photo 
Illustration by James Graham, New York Times