Terre de blog
livre

Manager avec les philosophes

Dans le contexte de crise du covid19, où l'incertitude et le management à distance sont source de stress et de tensions, prendre du recul en tant que manager ou dirigeant, afin de se recentrer sur l'essentiel, est une nécessité. Ce recul, je vous propose de le prendre ici en étant accompagné par des philosophes ayant fait de la résistance à l'adversité leur marque de fabrique !

Temps de lecture : 5 minutes

Manager avec les philosophes

En préambule


Le stoïcisme est LA philosophie de résistance face à l’adversité par excellence. Une philosophie qui invite à cultiver sa force intérieure, à ne pas se laisser troubler, détourner par les obstacles, à prendre de la distance face aux évènements et à s’engager dans l’action droite, conforme à ce que l’on estime être bien.

Se concentrer sur ce qui dépend de nous


Parmi les philosophes stoïciens dont la pensée peut s’avérer particulièrement utile pour faire redescendre toute pression inutile, Épictète est incontournable.


Il y a ce qui dépend de nous, il y a ce qui ne dépend pas de nous.

Distinguer ce qui dépend de nous de ce qui ne dépend pas de nous, avoir la sagesse d’accepter ce que nous ne pouvons pas changer et trouver la force d’entreprendre les changements qui sont sous notre contrôle constituent des principes directeurs de la sagesse stoïcienne. Accepter son impuissance est souvent difficile mais oh combien salutaire. Car l’énergie dépensée en vain à lutter contre des moulins à vents pourra ainsi être canalisée en direction de ce qui dépend de soi.

Quelles sont donc les choses qui dépendent réellement de nous ?
Premièrement être au clair sur nos intentions, sur ce que nous pensons et souhaitons. Ce qui requiert de prendre le temps de se formuler les choses de manière explicite, de distinguer l’essentiel, l’important, de l’accessoire.
Deuxièmement faire le tri entre ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous. Dans un environnement complexe avec de nombreux acteurs impliqués, la marge de manœuvre dont vous disposez peut-être plus ou moins grande. Vous souhaitez que votre équipe soit unie, solidaire, motivée. Qu’est-ce qui dépend de vous pour que cela survienne ? Comment pouvez-vous agir ?

Accepter l’échec potentiel


Troisièmement, il s’agit d’aligner sa pensée avec ses actes, de passer à l’action et d’accepter que le résultat de l’action ne dépende pas totalement de soi ! Une fois l’action engagée, elle échappe en partie à vos intentions. S’engager dans l’action est ainsi toujours un pari.
« En toute chose le sage considère le plan et non le succès. Les débuts dépendent de nous, pour l’issue la fortune en dispose » enseignait le philosophe stoïcien Sénèque.

Passer à l’action sera en outre grandement favorisé si nous acceptons de ne pas pouvoir tout contrôler et envisageons que l’action puisse se solder par un échec. La peur de l’échec étant un frein majeur à l’action, accepter que l’échec fasse partie de l’expérience, de l’apprentissage et plus largement de la vie permet souvent de se lancer avec plus de facilité (à ce sujet je vous recommande vivement l’ouvrage de Charles Pépin : les vertus de l’échec). Ce qui n’empêche pas, bien évidemment, de faire ce qui est en notre pouvoir, pour créer les conditions de la réussite !

Maitriser nos représentations


« Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses mais les jugements relatifs aux choses » écrivait Épictète. Dans le même ordre d’idée, le philosophe Sénèque affirmait : « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, mais parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles ».


La prise de conscience que la plupart des jugements que nous émettons sur nous-mêmes ou sur les autres sont des évaluations et non des faits, voilà qui peut également nous aider à prendre une juste distance. Les mots que nous employons peuvent avoir un impact fort sur notre état émotionnel. Bien les choisir, tenter d’être le plus factuel possible sans ajouter d’interprétation (ce qui est difficile je vous l’accorde) voilà un exercice totalement stoïcien. « Mon collaborateur a exprimé un désaccord » aura un impact plus positif sur votre capacité à collaborer avec lui que « Mon collaborateur conteste mon autorité », jugement de valeur susceptible de vous faire sortir de vos gonds !

Un exemple concret


Sébastien, manager, me sollicite pour un coaching en vue d’améliorer sa communication, jugée trop critique par sa hiérarchie. Progressivement Sébastien prend conscience que ce qui génère de la frustration et de l’agressivité chez lui repose sur une croyance, une représentation : la conviction que sa hiérarchie ne l’écoute pas. Cette certitude le conduit à ne pas oser dire les choses, à s’exprimer à demi-mots ou de ne pas défendre ses propositions avec assertivité.

Deux éléments clés ont catalysé la transformation des représentations de Sébastien :
– l’acceptation de la prise de risque du désaccord et que ses idées puissent ne pas être retenues,
– le sentiment de cohérence personnelle et de devoir accompli éprouvé en proposant ses idées afin de contribuer à un fonctionnement plus vertueux.
Et c’est bien cela que vise la philosophie stoïcienne : être une sagesse pratique, à même de favoriser ce qui peut-être vertueux, pour nous et pour autrui.
2000 ans plus tard, il est heureux de constater que le travail considérable réalisé par certains êtres humains pour en aider d’autres peut aujourd’hui encore nous être utile. 🙂

Pour aller plus loin : « Manager avec les philosophes », de Flora Bernard paru aux Editions Dunod en 2016.

Livre

Manager avec les philosophesFlora Bernard

Manager des personnes ou mener un projet à bien demande de questionner les évidences, d’adopter un langage clair qui suscite l’adhésion, de combattre les préjugés, d’asseoir sa pensée sur des arguments solides. Par la rencontre entre 6 philosophes (Épictète, Krishnamurti, Spinoza, Bergson, Arendt et Socrate) et 8 managers, l’auteur démontre dans ce livre que la philosophie peut nous livrer les ressorts nécessaires pour mieux agir et manager en entreprise. Sommaire de l'ouvrage Chapitre 1 De l’utilité des pratiques philosophiques dans le monde du travail Chapitre 2 Distinguer ce qui dépend de vous de ce qui n’en dépend pas, avec Épictète Chapitre 3 Cultiver l’observation intérieure, avec Krishnamurti Chapitre 4 Prendre conscience de vos émotions et les comprendre, avec Spinoza Chapitre 5 Se relier à votre intuition, avec Bergson Chapitre 6 Questionner la finalité de votre travail, avec Arendt Chapitre 7 Pratiquer le véritable dialogue, avec Socrate.

Éditeur : Dunod