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Manières d’être vivant, du philosophe Baptiste Morizot

Jeune philosophe, dont le charme dès les premiers mots vous saisit, Baptiste Morizot nous propose une philosophie empathique, pragmatique pour faire face à la crise écologique. Une crise qu'il qualifie de crise de la sensibilité, de crise de notre relation au vivant. Parce que ce livre nous touche, je pense qu'il est à même de nous faire bouger sensiblement…

Temps de lecture : 3 minutes

Manières d'être vivant, Baptiste Morizot, un ouvrage profond et inspirant
Manières d'être vivant, Baptiste Morizot, un ouvrage profond et inspirant
Manières d'être vivant, Baptiste Morizot, un ouvrage profond et inspirant

Pisteur de loups, y consacrant nombres de veillées nocturnes – notamment dans le Vercors – il nous raconte les mille et une manières d’être vivants qu’il a pu observer. Surtout il nous explique en quoi ces manières d’être vivant nous parle de nous, les êtres humains. Nous invitant à ne pas séparer l’homme du reste de la « Nature » mais bien au contraire à prendre la mesure de la communauté de destin que nous constituons et de l’interdépendance dans laquelle nous nous trouvons. »Nous sommes le vivant qui se défend » dit-il.

Loin de tout dogmatisme, il nous propose de suivre notre boussole, ce « barbouillement moral », cette ambivalence qui nous saisit parfois tandis que nous nous sentons tiraillés entre différentes directions ou différents protagonistes au sein d’une même communauté d’importance. Loin de promouvoir une sagesse où nous serions l’esprit tranquille !

La boussole est claire : le repère qu'il faut fuir, celui dont on doit toujours s'éloigner pour être ramené en pleine mer d'incertitude, c'est à dire à l'abri, c'est la tranquillité d'âme, c'est le sentiment de la pureté morale.

Pour tracer notre route, Baptiste Morizot nous invite non seulement à tenir compte de la complexité des inter-relations (par exemple entre brebis, bergers, chiens, loups), mais également à faire avec la complexité des contradictions qui nous habitent. Il nous propose de devenir des diplomates de la relation aux autres et à nous mêmes, de vivre avec égards, de développer une forme de cosmo-politesse.

C’est une véritable éthique du perfectionnement de soi que Baptiste Morizot développe dans cet essai. Une éthique « ascensionnelle », « un art de vivre en bonne intelligence avec ce qui en nous et hors de nous, ne veut pas être domestiqué ». A la manière de Spinoza, philosophe de la joie, il nous suggère d’écouter (sans les combattre) nos désirs, nos pulsions et émotions fortes les plus indomptables, celles qui pourraient nous éloigner du cap que nous nous fixons. De leur faire de la place et une fois les avoir entendues, de canaliser notre énergie en direction de ce qui augmentera notre puissance d’agir et générera de la joie. Car selon Morizot, « personne n’a de volonté ». « La volonté n’est que le nom que l’on donne a posteriori au système d’irrigation des désirs, dans les moments bénis où ils se composent pour converger dans la même direction, plutôt choisie. »

En tant que coach, je souscris pleinement à cette thèse. Notre volonté est limitée. Il nous faut composer avec ce qui est là, en nous. Raisonner bien sûr mais aussi écouter en nous ce qui est capable de nous mettre en mouvement, choisir de nous entourer de personnes qui stimulent le meilleur en nous, créer des conditions pour agir au mieux. Il s’agit d’apprivoiser, de canaliser la vie en nous et autour de nous, dans une direction toujours à interroger. D’être pleinement vivants, en somme.

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Manières d’être vivantBaptiste Morizot

Imaginez cette fable : une espèce fait sécession. Elle déclare que les dix millions d’autres espèces de la Terre, ses parentes, sont de la “nature”. À savoir : non pas des êtres mais des choses, non pas des acteurs mais le décor, des ressources à portée de main. Une espèce d’un côté, dix millions de l’autre, et pourtant une seule famille, un seul monde. Cette fiction est notre héritage. Sa violence a contribué aux bouleversements écologiques. C’est pourquoi nous avons une bataille culturelle à mener quant à l'importance à restituer au vivant. Ce livre entend y jeter ses forces. En partant pister les animaux sur le terrain, et les idées que nous nous faisons d’eux dans la forêt des savoirs. Peut-on apprendre à se sentir vivants, à s’aimer comme vivants ? Comment imaginer une politique des interdépendances, qui allie la cohabitation avec des altérités, à la lutte contre ce qui détruit le tissu du vivant ? Il s’agit de refaire connaissance : approcher les habitants de la Terre, humains compris, comme dix millions de manières d’être vivant.

Éditeur : Actes Sud