Aux racines de la collaboration
Dans l’un de mes précédents articles, je partageais avec vous une découverte majeure mise en évidence par une vaste étude sur la performance des équipes au sein de Google. A savoir que l’élément déterminant en matière d’efficacité collective réside non pas dans la complémentarité au sein de l’équipe (cela peut bien sûr avoir son importance mais ce n’est pas l’ingrédient qui fait toute la différence) mais dans la qualité des interactions entre les membres de l’équipe et plus précisément la sécurité psychologique. Cette notion a été particulièrement étudiée par Amy Edmonson, auteure de l’Entreprise sereine. Le guide « Radical collaboration » (« radical » au sens d’aller à la racine de la collaboration) apporte des grilles d’analyse complémentaire et des outils pour aller plus loin.
La sécurité psychologique nécessite de la part de chacun des membres un certain état d’esprit, une posture permettant à chacun, au sein de l’équipe, de se sentir important, compétent et apprécié, et de dire les choses sans crainte d’être jugé.
Cette posture collaborative s’apprend, se cultive et constitue l’une des compétences les plus cruciales désormais au sein des organisations. Je vous livre ici quelques uns des enseignements tirés de la lecture du livre « Radical collaboration » et de trois jours d’une formation passionnante, suivie avec Lily Gros et Katia Prache à Lyon.
D’après James Tamm et Ronald Luyet, auteurs de l’ouvrage, au cœur de cette posture collaborative réside la faculté de désactiver notre système de défense et son cortège de réactions impulsives de protection.
La grille de lecture proposée par la radical collaboration permet de comprendre à la fois quelles sont les compétences clés reliées à une posture collaborative sécurisante et efficace mais également de repérer les cultures d’équipe et d’organisation favorables ou défavorables à l’intelligence collective. En 2004, lors de la première édition de leur ouvrage, les deux auteurs avaient répertorié deux cultures saillantes : une culture défensive, plutôt compétitive, agressive et conflictuelle dénommée « zone rouge » et une culture coopérative, favorisant le dialogue et la confiance, dénommée « zone verte ».
Depuis lors, une troisième culture a été identifiée par les auteurs : la zone rose. La zone rose, verte en apparence mais défensive sur le fond, comprend tous les comportements qualifiés de « passifs agressifs ». Un exemple typique de la zone rose : dire oui en réunion et puis critiquer la décision en « off » ou saper le projet en douce ou faire preuve de comportements défensifs ultérieurement. Autrement dit, ne pas assumer ouvertement sa position et afficher une posture coopérative pour ensuite faire preuve d’une posture agressive et critique. La zone rose serait devenue la culture dominante aujourd’hui, la zone rouge étant beaucoup moins bien acceptée qu’il y a quelques décennies. La zone rose est tout aussi défensive que la zone rouge.
Opérer à partir de la zone rouge, rose ou verte
Opérer à partir de la zone verte, c’est d’abord faire le pari de la coopération et de la confiance et vouloir, sincèrement, le meilleur pour chacun et pour le collectif. Chercher le fameux gagnant/gagnant. C’est donc le contraire de vouloir le mieux pour soi au détriment des autres (caractéristique d’une culture compétitive zone rouge) et de vouloir promouvoir ses intérêts sans tenir compte de ceux des autres. Les auteurs citent de nombreux exemples de comportements typiquement rouges, de la déclaration du CEO d’Oracle Larry Ellison, discutant de l’offre d’achat de Peoplesoft (« Il ne suffit pas pour nous de gagner, il faut que tous les autres perdent ») à de nombreux propos tenus par certains hommes politiques, comme Donald Trump, que la bienséance m’oblige à ne pas retranscrire ici !
Opérer à partir de la zone verte peut se traduire par le fait de faire le premier pas, de partager son intention positive afin de désamorcer les potentielles réactions défensives de ses interlocuteurs. C’est prendre sa part de responsabilité, rechercher des solutions plutôt que de chercher un coupable, parler de manière calme et directe de sujets difficiles et enfin et écouter vraiment, c’est à dire, par exemple, ne pas préparer sa réponse pendant que l’autre parle et laisser son interlocuteur s’exprimer sans lui couper la parole.
Opérer à partir de la zone rouge, rose ou verte consiste donc à adopter des règles du jeu radicalement différentes, sans que les acteurs en aient nécessairement conscience. D’où l’importance de la conscience de soi, qui constitue l’une des compétences à développer d’après la radical collaboration pour évoluer d’une posture zone rouge à une posture zone verte.
Le premier pas, afin d’améliorer sa posture collaborative, consiste en premier lieu à être en conscient de nos comportements défensifs et à nous doter d’un système d’alerte personnel permettant de détecter que nous sommes sur la défensive. Et ce afin de désamorcer le plus rapidement possible notre système de défense. Si vous observez certains de ces comportements chez vous, comme perdre de sens de l’humour, vous vexer, ruminer, ressentir de la confusion, penser de manière binaire (en tout ou rien) ou encore avoir l’estomac noué, c’est probablement que votre système de défense s’active !
Envoyer du vert
Comment désactiver ce système de défense ? C’est à chacun de trouver sa stratégie, sa trousse de premier secours: prendre une grande respiration, demander une pause, sortir marcher quand cela est possible, dire ce que vous ressentez, poser des questions pour mieux comprendre et éviter d’interpréter. Ne pas voir l’autre comme un ennemi, le faire sortir de la case « prison » et lui donner sa chance (comme me disait une cliente il y a 2 jours, réalisant qu’elle avait condamné la personne) aborder l’échange en étant détendu, ouvert, bienveillant, laisser son interlocuteur s’exprimer sans l’interrompre et sans procès d’intention sont autant de manière de cultiver la zone verte.
Alors, prêt.e à envoyer du vert pour une année vertueuse ?